De partout éclatent des actes. Aux quatre coins du monde, des inconnus se rassemblent l'espace d'un instant pour s'adonner à l'absurde. Des commandos se glissent dans les artères du métro pour s'attaquer aux panneaux publicitaires. L'acte gratuit est à la mode. Une tendance semble s'affirmer. Pourtant le mouvement n'a rien d'une expression exclusivement joyeuse ; elle ne semble pas être le fruit d'une euphorie sociale généralisée qui inciterait les individus à laisser libre cours à leur fantaisie.
Ce ne sont pas des actes isolés. On veut être nombreux dans l'action. Peut-être ne communiquera-t-on pas vraiment avec les autres participants mais on trouvera dans leurs yeux ce qu'on voudra reconnaître comme une motivation commune, un diagnostic partagé et des remèdes identiques. On trouvera dans leurs yeux une réponse évidente à nos interrogations, nos insatisfactions. On se sentira plus fort, on donnera plus de valeur à notre acte dans sa dimension de partage. Saura-t-on vraiment pourquoi on s'est déplacé ? Acceptera-t-on de se fondre dans un flot de suiveurs de tendances ? Se contentera-t-on de cette explication ? Sentira-t-on comme une force inconnue qui pousserait à ce genre de comportements ? Ressentira-t-on une évidence, une nécessité de répondre par l'absurde ? A quoi ? A qui ?